Quatre mains – 43

2♦ est un bicolore cher, car le palier de répétition minimum de la couleur d’ouverture (ici, 2♣) est dépassé mais qu’il n’y a pas de saut.
La main 1 est trop faible. Avec une banale distribution 5-4, il faut 17 points H. Comme redemander à 1SA avec un singleton vous envoie directement au bagne de Cayenne (sauf exceptions exceptionnellement exceptionnelles), il faut répéter les Trèfles.
Bien qu’elle ne comporte que 14 H, la main 3 correspond avec ce très beau bicolore 6-5 à honneurs concentrés. D’ailleurs, à défaut d’être prêt à redemander à 2♦, il aurait fallu ouvrir de 1♦ (j’ai un peu de mal à dire il eût fallu, désolé pour les puristes 🙂 ).
La main 4 ne va pas. Dans “bicolore cher”, il y a “cher”, mais il y a aussi “bicolore” et ce jeu est régulier. La redemande à 2SA est la seule côtée à l’Argus, petit doubleton à Pique ou pas.
La main 2 est la plus intéressante, c’est pourquoi je l’ai gardée pour la fin. Avec ses 21 H absolument magnifiques, elle est clairement trop forte pour un Splinter à 3♠. Il y a encore quelques années, on disait 2♦, avec dans l’idée de soutenir à 4♥ au tour suivant, mais cette façon de procéder crée beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout, surtout quand le mensonge se fait dans une majeure. C’est pourquoi on a inventé les “super-forcing”, qui sont des “bicolores chers à saut”, expression a priori antinomique (un bicolore “normal” est soit à saut, soit cher, pas les deux en même temps) : il faut donc dire 3♦ avec ce jeu. Vous remarquez que le SEF ne propose pas de solution avec la même main mais en inversant les Carreaux et les Piques. Bien entendu, vous pouvez en trouver une sur amourdubridge.fr ! 🙂 Suivez ce lien.

Le bicolore à saut est forcing de manche. Pour l’employer, il faut donc avoir de quoi imposer la manche (sic !) à un partenaire qui n’a rien promis de mieux que 5 points misfittés : 19 H (18 très beaux) représentent donc un minimum.
On en déduit que les deux premières mains sont trop faibles et qu’il faut se contenter d’un bicolore économique à 2♦. Remarquez au passage que si vous êtes en situation de faire un bicolore à saut, vous n’avez pas de bicolore cher à votre disposition.
Avec la 3, vous ne pouvez pas vous contenter de 2♦ car Nord pourrait passer. Comme la simple idée de penser à dire 2SA vous envoie direct à Cayenne par la première galère, il faut jumper à 3♦ pour maintenir le dialogue ouvert. Vous constatez donc que l’enchère ne garantit nullement un 5-5.
La 4 est difficile à gérer car elle est trop forte pour le Splinter à 4♣ et qu’il n’existe pas de “super-forcing” sur les débuts 1♥ 1♠ et 1♦ 1♥. On se voit donc contraint d’enchérir à l’ancienne : bicolore à saut dans “le résidu” (3♦) et soutien au palier de la manche (4♠) au tour suivant. Pas facile à gérer, surtout si le répondant répète sa couleur car il faudra alors trouver une autre enchère que 4♠ (qui proviendra du coup d’un fit plus court).

Cette fois, la situation a changé car le répondant a promis du jeu : au moins 11 H en “standard français”, au moins de quoi jouer la manche en “standard US”… système joué de nos jours par 99 % des meilleurs joueurs… français (ainsi que de Navarre et du reste de l’univers). De toute façon, 2♣ est au bas mot auto-forcing, ce qui implique que la redemande à 2♦ est forcing. Par inférence, le saut à 3♦ est dit “inutile”, ce qui ne signifie pas qu’il ne sert à rien, mais qu’il est devenu “inutile pour rendre la séquence forcing”, contrairement à son petit camarade de la séquence précédente. Vu ? Or, au bridge, tous les sauts “inutiles” sont destinés à montrer une distribution plus intéressante que la même enchère sans saut. 3♦ promet donc maintenant un bicolore 5-5 et le minimum en force pour l’employer est logiquement diminué : il existe des variantes mais la barre minimum la plus fréquemment employée tourne autour de 16 points H. On pourra donc maintenant dire 3♦ avec la 2. En revanche, avec les bicolores seulement 5-4 (mains 1 et 3), on se contentera de 2♦, enchère totalement ambiguë en force (on ferait pareil avec 12 H), sachant qu’on pourra exprimer notre force au tour suivant… puisqu’il y aura forcément un tour suivant !
Avec la 4, pas besoin d’inventer un faux bicolore : le Splinter à 3♠ va bien, dans un premier temps. De toute façon, avec ce jeu, il est hors de question de lâcher notre os avant le palier de 6.

Le SEF nous dit que le bicolore cher sur la réponse de 1SA est forcing de manche.
Bon.
Alors, on fait quoi avec la main 1 ? 2♣ avec 17 H ? 2SA avec singleton à Pique ?
Désolé, mais ce sera sans moi. Je vous conseille donc de conserver à ces bicolores chers leur caractère auto-forcing, comme sur une réponse à la couleur au palier de 1, ce qui impose de jouer derrière le 2SA modérateur, afin de pouvoir s’arrêter avant la manche quand l’ouvreur est minimum (16-17 H). Il est d’ailleurs plus malin de convenir que si l’ouvreur est minimum, il dit 3♣ sur ce 2SA modérateur, même quand il a ouvert de 1♦, ce qui permet de gérer les mains faibles avec un long Trèfle avec lesquelles on a été contraint de répondre 1SA.

Avec la 2, on dit aussi 2♥, suivi de 3♥ (du coup non forcing si Nord a dit 2SA dans cette optique).

Avec la 3, ok pour 2SA sur 1SA.

Avec la 4, on n’a pas très envie de jouer 1SA… mais encore moins envie de prévenir les adversaires qu’ils ont neuf Piques ! Mieux vaut passer sur 1SA plutôt que dire 2♣, car le réveil adverse sera plus délicat sur 1SA (séquence de misfit apparent) que sur 2♣ (qui dévoile un très probable fit à Trèfle en Nord-Sud, donc un fit en Est-Ouest).