Entames de mai 2015 – 4

Entames de mai 2015 – 4

Ouest donneur / Tous vulnérables / match par quatre

Ouest
  • ADV10843
  • 87
  • V86
  • 9
ONES
3♠X-4♣
fin

A mon avis, avant d’entamer sur cette donne, la question à se poser est : qui a le Roi de Pique ?

Une bonne partie du jury pense qu’il peut être en Sud, dans une main jugée trop faible pour déclarer 3SA, du genre : ♠ Rxx xx xxx ♣ xxxxx. Bien entendu, dans ce cas de figure, entamer de l’As de Pique pourrait s’avérer catastrophique et il reste à choisir entre les deux couleurs rouges.

Je vous avoue ne pas partager cette opinion : avec ce jeu, je dis 3SA sur le contre, pas 4♣. Je prends ma chance que le partenaire soit très fort et il me semble que l’espérance de gain de ce choix est très positive : j’ai beaucoup à gagner s’il y a neuf levées à Sans-Atout (dont le Roi de Pique à l’entame) et peu à perdre sinon, car il faudrait encore que, dans ce cas, on fasse exactement dix levées à l’atout Trèfle, en dépit d’un Roi de Pique devenu inutile. Certes, l’inconvénient de l’enchère est de voir le partenaire faire une tentative de chelem car il compterait sur plus de jeu chez nous. C’est exact, mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Je préfère convenir que l’enchère de 3SA promet un arrêt à Pique et pas forcément du jeu… mais j’ai peut-être tort (c’est du moins ce que pensent visiblement certains membres de notre jury, ce qui m’inquiète… sans pour autant me faire changer d’avis : on est Breton ou on ne l’est pas !)

Dès lors, si l’on place le Roi de Pique en Nord (second ou sec, pour expliquer le contre, de préférence à 3SA) ou en Est (second ou sec également, pour expliquer l’absence de soutien à 4♠), l’entame de l’As de Pique ne peut pas filer de levée et permet de voir le mort, afin d’être mieux placé pour découvrir la bonne contre-attaque.

Seule une petite moitié seulement du jury est pourtant (plus ou moins) d’accord avec mon analyse (le bon côté de l’histoire est qu’il s’agit de partenaires ou ex-partenaires !) :

As de ♠ : 5 – 8 de Cœur : 4 – 6 de : 1

Dans le même esprit que la donne précédente, l’entame du doubleton à travers les Cœurs du mort me semble plus neutre que l’entame Carreau. Avec parfois un uppercut immédiat lorsque le partenaire fait les deux premières levées (on peut rêver non ?).
Néanmoins je préfère entamer de l’As de Pique pour voir le mort et me décider. Certes, le déclarant peut avoir le Roi de Pique, mais ce n’est pas sûr que filer cette levée change quelque chose.

As de ♠ : 10

J’entame mon As long. Le seul mauvais cas est xx pour Rx chez le déclarant : peu probable : il aurait dit 3SA sur le contre .

As de ♠ : 6 – 8 de Cœur : 4

J’entame l’As de Pique pour voir le mort et décider du flanc. J’espère que Sud n’a pas le Roi de Pique (il aurait pu dire 3SA).

As de ♠ : 10

Pour voir le mort et décider ensuite. Il me semble bien peu probable que Sud possède le Roi de Pique quand il ne dit pas 3SA.

Une courte majorité met le 8 de Cœur en tête, avec plus ou moins de conviction :

8 de : 10

Sans commentaires, mon partenaire a du jeu et du Trèfle. S’il fallait entamer de l’As de Pique (idée farfelue), on a le temps.

8 de : 7 – As de : 3

Est a sans doute une bonne opposition à . Choix difficile !!!
Sud est favori pour détenir le Roi de ♠ avec trop peu de jeu pour tenter 3SA.

8 de : 4 – 9 de ♣ : 3 – As de : 2 – 6 : 1

Je n’aime pas plus les doubletons que la fois précédente mais là, rien n’est appétissant, autant traverser le mort puisqu’il est fitté avec mon partenaire dans la couleur.
Le décrié singleton d’atout n’est pas exclu quand on a ouvert en barrage car, si le déclarant est en mesure de faire une impasse dans les deux sens, il ne se trompera pas et cela peut permettre à mon partenaire de faire tomber les atouts adverses s’il en a l’opportunité et le juge utile ; l’As de Pique a le mérite de voir le mort, d’encaisser probablement une et peut-être deux (singleton, chicane, voire Roi de Pique en face) levées rapides sans coûter systématiquement une levée (Roi de Pique au mort, défausse inutile s’il est chez le déclarant) et peut-être de trouver le flanc mortel à la deuxième levée ; Carreau ne peut être exclu, on peut facilement construire des bons cas.

8 de : 10

Cette fois, je trouve l’entame à Cœur obligatoire, par défaut. D’une part, mon partenaire a sans doute des honneurs à Cœur derrière le mort. D’autre part, je ne peux entamer ni Carreau sous le Valet troisième (dangereux sans contrepartie) ni le singleton d’atout (aucun intérêt). Enfin, l’entame de l’As de Pique peut bien tomber mais peut tout aussi bien livrer le Roi d’un déclarant nanti d’un jeu trop faible pour déclarer 3SA. Cœur, donc.

8 de : 10

Séquence non révélatrice (= comme d’habitude je n’ai aucune idée de ce qu’il faut faire) dont entame la plus neutre possible. C’est un choix de vie que je ne suis pas près de renier.

8 de : 7 – As de ♠ : 3

Sud n’a pas de Cœurs quand il dit 4♣, donc j’espère que mon partenaire en a derrière ceux du mort.

Un seul expert entame à Carreau… mais voir l’autopsie :

6 de : 10

Plutôt que car les devraient être au mort.

RESULTATS des VOTES

8 de : 56

As de ♠ : 39

6 de : 12

9 de ♣ : 3

AUTOPSIE :

Voici les quatre jeux :

R
ARV2
AD32
V764
ADV10843
87
V86
9
92
109643
R1095
AR
765
D5
74
D108532

Bien entendu, ce diagramme ne prouve rien. On ne peut pas juger du bien-fondé d’une entame sur son seul résultat, on ne vous le répètera jamais assez. Il se trouve que, en l’occurrence, le déclarant gagne sur l’entame à Cœur, prise de la Dame. Atout pour Est qui retrouve Ouest à Pique afin que celui-ci joue Carreau, mais il est trop tard. Le mort plonge sur l’As et Sud défausse son Carreau sur un Cœur, Ouest n’ayant plus d’atout pour couper.

Sur entame à Carreau ou As de Pique et Carreau, Sud ne peut pas gagner car, s’il tire trois tours de Cœur sans jouer atout, Ouest coupe.

Professeur agréé par la F.F.B, Marc Kerlero enseigne le bridge depuis 1980. Il est l'auteur de 15 ouvrages, dont plusieurs best-sellers et a été rédacteur en chef d'Objectif 13 puis de Bridgerama. Il a collaboré aussi à Jouer Bridge. Il a été champion d'Europe junior en 1984, vice-champion de France de division nationale I en 2004, champion de France de division nationale II par quatre en 2014 et vainqueur de la Coupe de France en 2019.